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Diplôme de paysage . ensapBx . Marie Bretaud & Helena Le Gal

Le cas de deux gated communities

Digression sur la symbolique et l'identité résidentielles

Dans son article sur les gated communities[1], Franziska Pufe interprète ces espaces « comme des textes symboliques et images à travers lesquelles ces gens [architectes, développeurs et résidents] communiquent ». Elle avance l’idée que les architectes et les développeurs produisent l’espace, les habitants l’interprètent et l’utilisent. Ces diverses empreintes dans l’espace donnent lieu à une communication singulière, une expression propre aux valeurs collectives de certains groupes sociaux. Ces expressions sont à la fois perceptibles dans la fonction des lieux (leur dénotation) que dans leur symbolique (leur connotation).

 

L’environnement bâti des qated communities soulève de nombreuses représentations.

Lorsque Franziska Pufe interroge les concepteurs d’une première gated community, destinée à de riches parents dont les enfants ont quitté le domicile familiale, ils expliquent qu’ils se sont appuyés sur un stéréotype : le village méditerranéen, pour référer à des sentiments particuliers : le soin, le familier, la relaxation, la chaleur. Pour les concepteurs, le mur d’enceinte et l’entrée gardée apparaissent comme des barrières contre la vie urbaine extérieure et plus symboliquement contre les autres styles architecturaux. Leur fonction sécuritaire apparaît comme secondaire.

Pour les habitants, cependant, les panneaux d’interdiction et l’entrée gardée apparaissent bien comme la garantie d’un sentiment de sécurité. Pour eux, la communauté est un lieu privé, insouciant et familial qui permet un retrait du rythme rapide de la ville convoquant la chaleur et la paix d’un village de la côte sud française. En parallèle ils la comparent à une forêt tropicale (végétation riche, bruits de l’eau et gazouillis des oiseaux) ; un éclectisme de stéréotypes qui ne leur apparaît pas pour autant artificiel.

Pour eux, la communauté représente non seulement un espace en retrait des turpitudes urbaines, mais aussi un lieu où l’on peut faire face aux obligations de la famille, où l’on prend soin de soi.

 

Dans une seconde habitée principalement par des migrants latino-américains, l’architecte conçoit l’entrée en référence à celles de premières communautés en Californie, renvoyant l’image d’un lieu spécifique et luxueux. L’architecture des logements reflète un style de vie moderne, en opposition aux maisons traditionnelles, qui privilégie le divertissement dans la sphère privée. La communauté n’accueille donc pas d’espaces de rassemblement publics.

Selon l’architecte, le promoteur a envisagé le lac central comme purement fonctionnel (permettant le drainage du sous sol) et n’a aucunement envisagé d’en faire un espace de loisir pour les résidents.

Les habitants de cette communauté ont une image plutôt négative de celle-ci due principalement au manque d’activité de plein air et d’interactions sociales. Elle est perçue comme un lieu terne et dénué de sens où les espaces sont issus d’une production en série. Cependant l’image d’un environnement standardisé évoque, pour ces migrants originaires de différents pays d’Amérique latine, une image positive d’uniformité et donc d’égalité. De plus la porte apporte à l’ensemble une valeur de luxe et de promotion résidentielle. Pour les habitants le lac gagne une valeur récréative et devient le support se fantasmes romantiques de nature sauvage (observation des oiseaux,…) mais n’en devient pas pour autant un lieu d’interaction sociale. En ressort des représentations contradictoires en partie positives : luxe, égalité, romantisme se confrontant à la désillusion de la terre promise : exclusion, ennui, environnement asocial. Cette communauté apparaît finalement pour ces habitants comme une solution temporaire. D’après l’architecte (lui-même migrant cubain), « la porte et la communauté ici représentent une négociation de personnes qui n'ont pas encore trouvé leur place dans la société américaine et qui utilisent une communauté fermée à la périphérie même de la ville comme une solution temporaire pour compenser leur discorde ».

 

Cette analyse des représentations de deux gated communities selon différents protagonistes permet de dépasser les conclusions hâtives généralistes s’arrêtant souvent au constat du ghetto sécuritaire et de la volonté de privatiser des biens publics. En s’attachant aux représentations  Franziska Pufe diagnostique des incertitudes, des failles, des intérêts variés que peuvent projeter différents groupes sociaux à des moments donnés sur ces espaces résidentiels.

 

 

 

[1] Franziska Pufe, « Unlocking Miami’s suburban gated communities: a semiotic and iconographic approach », Articulo - Journal of Urban Research[Online], 5 | 2009, Online since 31 December 2009, connection on 26 May 2014. URL : http://articulo.revues.org/1338 ; DOI : 10.4000/articulo.1338

 

 

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