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Diplôme de paysage . ensapBx . Marie Bretaud & Helena Le Gal

Du document à la fiction,

Représentations photographiques du genre paysage du XIXe au XXIe siècle

"Je ne cherche pas à dénoncer, je ne cherche pas à accuser, je ne cherche pas à démontrer, je vous donne ma façon de voir, ma vision du globe, d'une partie du globe, à un moment donné."

 

Raymond Depardon

Les paysages, notamment ordinaires, objets de confluence d’enjeux environnementaux et identitaires des territoires, ont essuyé diverses grandes campagnes de représentation. Nous nous intéressons ici à une partie de la vaste histoire des représentations du genre paysage, celle des XIXè et XXè siècles, qui s'est surtout écrite via la photographie, médium élu pour son potentiel figuratif des transformations et des affects.

On connaît son potentiel expressif, sensible et artistique. Mais la photographie est aussi un outil de compte rendu, plus ou moins objectif, du réel. C’est dans ce « plus ou moins objectif » que réside toute l’ambiguïté de son histoire, quand on s’intéresse au genre paysage.

En effet, elle implique deux grandes fonctions pouvant être considérées comme contradictoires : l’une documentaire et l’autre artistique.

On le voit dans chacune des campagnes, qui sont avant tout des recensements ; elles prennent corps dans un contexte de crise, socio-économique pour la FSA par exemple, culturelle pour l’Inventaire Général, politique pour les Archives de la planète, où le paysage étudié est avant tout document. L’inventaire historique, base de données assujettie à un phénomène géopolitique, se chargeait donc d’établir un bilan en réaction à une situation, et en préparation à une action solutionniste, d’où son caractère documentaire, expert et engagé. Ainsi en Occident, les principaux inventaires connus sont la Mission héliographique de 1851, les expéditions américaines de la « Nouvelle Frontière » à la fin du XIXe, les Archives de la Planète en 1912, la Farm Security Administration de 1935, l’Inventaire Général sous Malraux en 1964, les New Topographics de 1975 avec le couple Becher, ou encore la Mission photographique de la DATAR dans les années 80. Dans la même lignée, mais de manière plus contemporaine, le collectif France Territoire Liquide s’est auto missionné pour rendre compte des dernières mutations et des nouveaux paysages français.

Dans le cas des inventaires tels que celui de la DATAR ou de France Territoire Liquide, basés sur des séries accomplies par des photographes, on trouve des représentations teintées par l’univers des différents auteurs. La mission de la DATAR a permis en son temps aux photographes de réinvestir le genre paysage jusqu’alors délaissé, et s’est rendue mécène des artistes qui, bien que missionnés, exposaient leurs œuvres en leur nom propre, comme Robert Doisneau par exemple. L’inventaire a, par là, acquis un caractère plus artistique que patrimonial. Le champ documentaire a finalement, au gré des évolutions théoriques et esthétiques, dérivé, glissant tantôt vers un paysage « critique », dénonçant des phénomènes socioculturels, tantôt vers un paysage « tableau », réinventant les pratiques narratives du genre.

 

À travers la réfection de notre base de données bergeracoise, nous posons donc les questions suivantes :

Où et quand s’arrête aujourd’hui la documentation, commence le fictionnement ?

Comment, entre document et fiction, se positionner en tant qu’auteur (notamment auteur-paysagiste), et comment positionner des paysages [espace+individus] sur la scène des représentations territoriales ?

Brève histoire du paysage « document »

dans les représentations photographiques des XIXè et XXè siècles

 

Les paysages sont le support, au XIXè, des premières campagnes européennes dites topographiques, telles la Mission héliographique française de 1851.

Il s’agit de créer d’importants répertoires iconographiques sur les civilisations millénaires, en l’occurrence l’Europe et ses colonies. L’inventaire du patrimoine historique vernaculaire fraîchement conquis par les Etats participe alors à la recherche et à l’expression d’une identité, voire d’une puissance, nationale.

C’est avec l’entre-deux-guerres que se développe une documentation plus anthropologiste, avec le catalogue de typologie humaine d’August Sander (dont Hommes du XXè siècle) par exemple, ou les répertoires parisiens d’Eugène Atget.

Parallèlement à ces nouvelles pensées européennes, au XIXè puis début XXè émergent les premières préoccupations environnementales outre-atlantique face au développement industriel qui met en péril le territoire sauvage américain. Le territoire et ses paysages monumentaux incarnant un véritable emblème national, il devient nécessaire de s’atteler à leur préservation.

Plusieurs photographes, missionnés ou indépendants, avec en tête de liste Ansel Adams et Minor White, rapportent alors des images du Grand Ouest, qui influenceront la création de parcs nationaux excluant la présence de l’homme. De là se tisse une esthétique valorisant la nature sauvage sublime qui écarte les preuves de l’activité humaine, représentant la grandeur naturelle de la nation américaine, et éclosent en guise de représentations ces grandes allégories mythiques du Grand Ouest, figurant les paysages majestueux de montagnes, canyons, désert etc.

"Je photographie les choses non comme elles sont, mais tel que je suis."Minor White

Itérativement à la crise économique des années 30, les objectifs topographiques des premiers relevés de territoires et leurs inventaires européens s’élargissent à une stratégie d’observation économique et sociale. Dans le grand ouest démarre alors la campagne de la Farm Security Admninistration (FSA), mission de redécouverte de la nation sous un angle humaniste, prenant en compte sa ruralité et ses nouveaux développements urbains. Les photographes, comme Walker Evans, Lewis Baltz ou encore Stephen Shore, attestent de la précarité subie par les populations frappées par la crise de 1929, touchés par « l’humble réalité de ces agglomérations surgies de nulle part ». Avec eux émergent des images modernistes montrant les premières stations d’essence, la linéarité des rues principales bordées d’habitations précaires, l’uniformisation architecturale, l’image de la misère.

Si l’obédience documentaire appliquée à la photographie de paysage découle de la nécessité de rendre compte de l’évolution des territoires dans des dimensions objectives et socio-économiques, ses représentations traduisent la volonté de se détacher d’une vision culturelle du monde trop soumise à la subjectivité et à l’expressivité d’un auteur. Cette sorte de néo-réalisme apparaît comme une tentative d’approcher une dimension objective du paysage, et non de faire émerger une image ou une vision.

"Ce dont je ne cesse de parler dégage une pureté, une rigueur, une immédiateté qui s'obtiennent par absence de prétention à l'art, dans une conscience aiguë du monde."   Walker Evans

Les explorations du territoire national par les photographes rendent ainsi compte de l’urbanisation d’une Amérique qui se veut ‘moderniste’ dans ce qu’elle a de quotidien, de modeste, d’ordinaire, jusque dans les années 70. Lewis Baltz se focalisera sur la nouvelle typologie urbaine des « Banlieues » ; Stephen Shore sur des sortes de scènes urbaines, les Uncommon Places, figures ordinaires socialement représentatives, par un travail pointu d’ambiances et de couleurs ; Robert Adams sur les contours des montagnes du Colorado, via l’inventaire typologique du développement urbain, vulgaire et consumériste, dénonçant l’impact de l’activité économique sur la nature avec une nostalgie arcadienne.

Face à l’aggravation des désordres environnementaux du XXè, les postures se font de plus en plus critiques et les productions de plus en plus radicales. Le style documentaire s’affirme jusqu’à faire l’objet, en 1975, d’une exposition essentielle dans l’histoire du paysage photographié, New Topographics : Photographs of a Man-altered Landscape, à Rochester.

William Jenkins et Joe Deal y rassemblent les travaux de Robert Adams, Lewis Baltz,, Joe Deal, Frank Gohlke, Nicholas Nixon, John Schott, Stephen Shore, Henry Wessel et enfin Bernd et Hilla Becher. Ceux que l’on retient aujourd’hui sous le surnom des New Topographs.

C’est en croisant alors l’influence conceptuelle des artistes des années 1970 que le style documentaire s’affirme et trouve son paroxysme, notamment dans le travail des Becher.

Pour les conceptuels, la photographie dénote un usage technique et incarne un document « témoin », ordinaire, détaché de toute forme d’expression. Le médium s’intègre donc dans le champ de l’art contemporain pour sa neutralité qui soutient la radicalité de leurs démarches.

Les artistes du Land Art par exemple rendent compte d’une pratique artistique sans réflexion particulière sur le médium photographique (les photographes de leurs travaux ont même à la fin des années 1980, revendiqué le partage des bénéfices des ventes de photographies avec les artistes qui eux ne touchaient rien). Seul Robert Smithson, ami avec L. Baltz et les Becher, se livre à un travail de documentation de sites industriels dans lesquels il révèle des formes structurelles et des lignes de force minimales par un acte photographique plutôt qu’interventionniste sur le paysage concert. De même pour Peter Downsbrough, qui structure et ordonne les sites auxquels il s’intéresse par des répertoires photo- et vidéographiques.

D’autres artistes travaillent à ces représentations paysagères conceptuelles, comme Hamish Fulton, qui emploie la photographie comme acte mémoriel d’une marche, de sa propre expérience vécue d’une mobilité dans des paysages (Walking artist). Robert Venturi et Denise Scott créent des almanachs, nommés almanachs protéiformes du « vulgaire et ordinaire » des banlieues. Ed Ruscha enfin, fabrique des livres, compilant des collection de ready-made dont la prise de vue et mise en livre attribue une valeur formelle (Every Building on Sunset Trip, 1966,)

Les Becher, croisant les démarches documentaires et conceptuelles par la photographie, atteignent une rigueur extrême du recensement photographique et créent pratiquement une nouvelle discipline. Leur œuvre est une iconographie massive dédiée aux bâtiments industriels où le contexte environnemental, la topographie et la géographique sont radicalement éliminés des images. Ils induisent ainsi une nouvelle approche visuelle de l’environnement, invitant à observer ce qu’habituellement nous ne voyons pas : la typologie architecturale et simple morphologie des bâtiments, ce que nous ne regardons plus.

Leur posture, entre scientifiques et artistes, a permis au langage photographique de former les bases d’une esthétique autonome et de l’intégrer définitivement au champ des arts plastiques.

Leur travail, inspiré par August Sander, Eugène Atget et Albert Ranger-Patzsch, trouve une mise en œuvre unique et originale : chaque série photographique présente un ensemble où les sujets sont photographiés isolément. Cela engendre des polyptiques monumentaux, qui permettent de dépasser l’individualité de l’objet photographié et de construire une esthétique structuraliste, entre une perspective morphologique et une perspective encyclopédique. Ils constituent finalement une véritable histoire des formes, tout en portant à connaissance le patrimoine industriel plus ou moins déchu suite au choc pétrolier de 1973.

S’inspirant de leur esthétique, plusieurs photographes « paysagistes » s’exercent à capter la neutralité de leurs sujets ; Thomas Ruff et Thomas Struth par exemple s’intéressent ainsi à l’urbanité ordinaire, aux « paysages sans qualité », austères, emprunts de désaffection, mais ouvrent aussi leur travail à l’individu (portaits de Ruff) ou à la scène (vues de musées de Struth).

La crise économique des années 1970, en bouleversant les sites industriels et les espaces périurbains, a donné lieu en France à une sorte de crise culturelle questionnant les mutations et leurs conséquences sociales. La fin de la croissance démographique d’après-guerre et de l’exode rural, simultanée à l’achèvement des grands équipements et à la rupture des lois de localisation des entreprises et des personnes, fait émerger une nouvelle commande urbaine, celle d’un « cadre de vie » de qualité et provoque avec les mouvements d’emploi, des mouvements géographiques et culturels de population. Parallèlement à des nouvelles observations socio-économiques, les territoires développent la volonté d’étudier en profondeur leurs composantes, leur pérennité et leurs transformations. La Convention européenne du paysage fait alors émerger la notion d’observatoire du paysage, en 1981, déclenchant ainsi diverses productions photographiques générées par des commandes nationales, régionales ou par des initiatives locales voire privées, dont la vocation est de documenter le paysage.

 

En 1981, la gauche revient au pouvoir en France, motivant une politique de décentralisation et un regain d’intérêt pour le paysage.

C’est en 1983 que Jacques Attali, conseiller de Mitterand et le photographe François Hers mettent en place la Mission Photographique de la Délégation à l’Aménagement du Territoire et à l’Action Régionale, ou DATAR (dirigée par Bernard Latarget et François Hers). L’intention de la mission est d’arpenter le territoire français mutant, de le documenter tant dans sa ruralité que dans son déclin industriel et son accélération urbaine anarchique. Il s’agit donc de mettre en images les grandes métamorphoses urbaines et industrielles, mais aussi les dichotomies s’inscrivant entre permanences et mutabilité sur les paysages. Au-delà de faire un état des lieux du paysage français (au sens de "qu’est-ce qu’on voit du territoire français au quotidien"), il s’agit d’inventer un moyen de produire un paysage français, voire LE paysage français, oublié depuis des décennies.

Dans l’objectif de se distinguer de l’enquête sociologique standard et de révéler un nouveau répertoire de formes pour « encourager un mouvement de renaissance et de culture du paysage », la DATAR renonce à l’éthique puriste documentaire et missionne une trentaine de photographes, dont les célèbres Raymond Depardon et Robert Doisneau.

En invitant des « artistes » à collaborer, elle espère injecter une dimension culturelle à la dimension documentaire de la mission. Au-delà de rendre compte du territoire, il s’agit donc de lui donner une qualité, et de faire exister des représentations capables de fabriquer une nouvelle culture paysagère en adéquation avec la situation urbaine prématurée héritée de la crise, de développer la sensibilité des publics à la question du paysage et de ses qualités.

Dans le but d’une réflexion globale sur le paysage, ses transformations, son appréhension, ses rapports avec l’art, la délégation met en place une politique de mélange des corporations, en regroupant des aménageurs, architectes, géographes, artistes et encore historiens d’art, autour de la question. La mission est alors légitimée historiquement par sa filiation aux courants scientifiques, experts et topographiques, et légitimée esthétiquement puisqu’elle place les sources de la tradition documentaire dans celles des représentations du genre Paysage, de la peinture et du tableau.

Certains disent, et cela souligne l’importance de la nature des commandes, que cette mission constitue néanmoins un paradoxe, car la légitimation institutionnelle qu’elle incarne empêche à la photographie de célébrer un contre modèle utile à l’élargissement des frontières artistiques; en transfigurant le réel en tableaux de photographes, elle contredit les plus-values esthétiques et théoriques engrangées par la photographie du conceptualisme (Michel Poivert), et perd son rapport à la saisie objective de la réalité.

D’autres disent, au regard de l’iconographie produite (536 études, 200 000 prises de vues, 2000 images inventoriées) et de la diversité des formes d’appropriations de la mission par les auteurs (tantôt engageant une démarche documentaire, tantôt s’en détachant pour une création plus personnelle), que la mission a justement bien trouvé un équilibre entre objectivité et créativité, entre document et fiction.

Dominque Auerbacher, Lewis Baltz, Gabriele Basilico, Bernard Birsinger, Alain Ceccaroli, Marc Deneyer, Raymond Depardon, Despatin & Gobeli, Robert Doisneau, Tom Drahos, Philippe Dufour, Gilbert Fastenaekens, Pierre de Fenoÿl, Jean-Louis Garnell, Albert Giordan, Frank Gohlke, Yves Guillot, Werner Hannapel, François Hers, Joseph Koudelka, Suzanne Lafon, Christian Meynen, Christian Milovanoff, Vincent Monthiers, Richard Pare, Hervé Rabot, Sophie Ristelhueber, Holger Trülzsch.

En 1989, le ministère de l’Environnement crée l’Observatoire Photographique des Paysages de la France (l’OPP). Il s’agit de mettre en place, sur des sites sélectionnés, un suivi photographique continu de plusieurs années. Tout comme les précédents inventaires à séries photographiques, il a pour but de construire dans le temps une culture du paysage qui soit en adéquation avec les questions contemporaines ; mais au-delà d’une simple dynamique de représentation des paysages, il a pour vocation d’être un outil. L’OPP dispose d’un fond photographique numérisé établi sur 19 itinéraires d’observation, dont les points de vues sont géoréférencés dans la base cartographique de données CARMEN (accessible via le portail du Système d’Information Documentaire de l’Environnement). A partir de 1991, sous la direction du Bureau du Paysage, quatre premières commandes sont ainsi passées à des photographes de la DATAR : Raymond Depardon, Dominique Auerbacher, Sophie Ristelhueber et Alain Ceccaroli.

À l’inverse de nombre d’inventaires restés obscurs, l’OPP a dès son origine fait suivre toute sa campagne d’une exposition et d’une publication des images. Une première exposition commune des travaux est organisée en 1994 à la Cité des Sciences de la Villette, qui devient par la suite itinérante durant cinq ans sur une quarantaine de sites. Par ailleurs, les images sont présentées à l’occasion de différentes manifestations autour de la photographie ou du paysage. Cette multiplication des expositions à travers la France s’accompagne d’une diffusion des images sous forme de publication. En 1994, une première brochure présente les ambitions et les méthodes de l’Observatoire. Plus tard, l’annonce de la parution des deux volumes de la revue Séquences/Paysage par l’Observatoire est suivie par les médias. La presse écrite, nationale ou spécialisée et la télévision font état des travaux des photographes. Cette valorisation du travail de l’Observatoire auprès du grand public est relayée par les partenaires locaux. Certains Parcs naturels régionaux, comme celui de la Forêt d’Orient ou du Pilat, publient des carnets à destination des visiteurs. Les «itinéraires» de l’Observatoire deviennent des chemins touristiques, où chaque point de vue est marqué par une borne. Le promeneur fait ainsi lui-même l’expérience des transformations du paysage.

Enfin, il est à noter que plusieurs observatoires ont été créés en marge des 19 itinéraires officiels gérés par le ministère. Ils sont développés généralement sur des territoires modestes, avec un souci d'économie : ils viennent en renforcement et en illustration des actions d'aménagement du territoire et en soutien à des projets tels que la création d'un Parc Naturel Régional. En Bretagne par exemple, il existe deux itinéraires nationaux : l'OPP du Parc Naturel Régional d'Armorique et celui des Côtes d'Armor, ainsi que deux autres non nationaux: l'OPP du Golfe du Morbihan et celui du Pays de Saint-Brieuc.

L’Etat et les territoires peuvent donc observer des sites, archiver leurs évolutions précises d’année en année, créant ainsi une sorte de base de données mobilisable pour des travaux de développement, d’aménagement et/ou de recherche. C’est au sein de cet Observatoire que les photographes missionnés ne travaillent pas seuls, mais en collaboration avec des spécialistes de l’aménagement, dans le but de la gestion future du paysage et du patrimoine, ainsi que de l’évaluation et orientation des politiques publiques.

1 - Parc naturel régional du Pilat (Sophie Ristelhueber)

2 - Département de l’Hérault (Raymond Depardon)

3 - Plateau de l’Arbois (Alain Ceccaroli)

4 - Nord – Pas-de-Calais (Dominique Auerbacher)

5 - Département des Côtes-d’Armor (Thibaut Cuisset)

6 - Canton de Saint-Benoît-du-Sault (John Davies)

7 - Environs de Valence (Gérard Dufresne)

8 - Département des Hauts-de-Seine (Jean-Marc Tingaud)

9 - Ville de Montreuil (Anne Favret et Patrick Manez)

 

10 - Vallées des Dhuyes et de la Bléone (Gilbert Fastenaekens)

11 - Parc naturel régional des Vosges du Nord (Thierry Girard)

12 - Parc naturel régional du Livradois-Forez (Anne-Marie Filaire)

13 - Parc naturel régional de la vallée de Chevreuse (Gérard Dalla Santa)

14 - Parc naturel régional de la Forêt d’Orient (Jacques Villet)

15 - Friches industrielles de la Lorraine (Claude Phillipot)

16 - Parc naturel régional d’Armorique (Jean-Christophe Ballot)

17 - Picardie maritime (Fred Boucher)

18 - Banlieue de Paris (Alain Blondel et Laurent Sully-Jaulmes

Posture

 

Après ce retour historique sur l’évolution des commandes représentationnelles, des formes iconographiques et des protocoles d’auteurs, nous émettons plusieurs constats.

Tout d’abord, il apparaît que les initiatives visant à créer des iconographies sont issues, la plupart du temps, de commandes politiques institutionnelles. La logique d’émergence des représentations de paysages est donc une logique descendante, des sphères technocratiques vers les territoires.

De là, il convient de se demander à quelles natures de paysage les démarches politiques s’intéressent-elles. Etant donné que les campagnes photographiques se développent en fonction d’une crise économique, culturelle, politique, elles dépeignent de force, en cherchant à documenter une situation socio-culturelle, les paysages incarnant cette crise et les mutations qu’elle engendre ; ces paysages, qui sont souvent les vestiges d’une économie en déconstruction (sites industriels, villages ouvriers, périphéries…), sont passés du paroxysme de leur utilité à celui de leur désaffectation, et ont fini par être oubliés, banalisés.

Le thème des paysages ordinaires a donc été transversal dans l’histoire des représentations des derniers siècles. Ce sont les formes iconographiques qui ont finalement évolué, à travers les univers d’auteur, leur protocole d’investigation et les méthodes d’exposition/de diffusion.

Avec les dernières générations de photographes de la DATAR et surtout à travers le collectif France Territoire Liquide, la logique d’émergence des représentations s’est aussi inversée : d’une logique descendante, nous sommes passés à une logique ascendante, où les initiatives représentationnelles émergent des territoires ou d’auteurs, et non plus forcément de commandes politiques. L’objectif des représentations n’est donc plus nécessairement l’observation socio-économique, mais bien le récit de phénomènes culturels. Ainsi la dominance documentaire a pu laisser la place au fictionnement et aux représentations subjectives.

Le paysage « contemplé » a ainsi pu laisser la place au paysage « raconté », celui du vécu et du sentiment.

C'est dans cette lignée que nous souhaitons inscrire notre travail. Il s'agit bien de documenter un territoire, mais par l'émergence ascendante de représentations potentiellement subjectives. Le paysage apparaît ici comme le catalyseur de sentiments, d'émotions voire d'affects.

Notre sujet n'est donc plus "la chose" qui compose un territoire, mais bien "le rapport à la chose", le fameux couple [individu-paysage].

Notre démarche n'est donc plus la collecte d'éléments dont la compilation débouche sur un observatoire et sur des préconisations territoriales, mais est bien l'engagement de nos propres actions sur le territoire : créer des représentations prend pour nous le sens de déclencher, avec les moyens réels du territoire, les conditions propices à leur émergence.

Notre posture en tant qu'auteur se voit finalement développée dans des outils multimédia, afin de ne pas créer "une oeuvre" mais bien "des représentations".

Après avoir nous-mêmes créé une masse de représentations "objectives" en 2013, notre nouvel objectif est de développer des méthodes intrinsèques au territoire bergeracois, lui permettant par ses propres moyens et avec ses habitants de mettre en lumière les rapports [individus-paysages] qu'il héberge.

In fine, ce diplôme s'attache à expérimenter par le FAIRE une forme de médiation territoriale axée sur la question des affects des lieux, sur leur expression et sur leur représentation.

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