top of page

Diplôme de paysage . ensapBx . Marie Bretaud & Helena Le Gal

Cette partie du projet est le fruit d’une invitation d’Olivier Branchu, viticulteur du Bergeracois au Château Le Tuquet, à intervenir à ses côtés. Etant originellement géographe, il est, en parallèle de son activité de viticulteur, professeur en paysage au Lycée agricole de la Brie situé dans le Monbazillac, auprès entre autres de classes de BTS aménagement paysager. Cette formation, surtout technique et portée sur la gestion de chantier, se voit évoluer par la réclame des référentiels pédagogiques ministériels, vers une ouverture à la notion de représentation et vers des apports artistiques. Pour Olivier, notre intervention dans son cours permet non seulement une ouverture du Lycée et de ses formations à d’autres pratiques, d’autres acteurs, d’autres enseignements, mais aussi une collaboration concrète autour d’un exercice de lecture de paysage rassemblant nos compétences respectives.

 

Dès la rentrée scolaire 2014, nous avons donc commencé à rédiger un projet pédagogique tentant de mettre en lien les impératifs d’Olivier (apprentissage des clés de lecture d’un site) et nos propres orientations (penchant pour la fiction et pour les médias contemporains). L’idée était de proposer aux étudiants, qui n’étaient pas familiers des techniques de représentation, encore moins artistiques, une manière d’exprimer leur ressenti et analyse du lieu sans pression du « beau », grâce à des outils ludiques et des références radicales. L’objectif de l’exercice était dicté par Olivier : apprendre à lire un paysage, in situ, et à le représenter afin d’en parler 5 minutes à l’oral de manière descriptive et analytique. Nous avons donc choisi un site, volontairement décalé par rapport à l’univers du jardin qui occupe d’ordinaire les étudiants de la formation : une friche commerciale d’entrée de ville, un Leclerc Drive plus ou moins abandonné, un site des plus banalisés, qui pourtant appartient aux espaces de mutation les plus actuels.

Six groupes ont été constitué, en fonction des affinités entre étudiants et affinités avec les références proposées. In fine, six projets ont été construits :

 

LA FAMILLE PATATE

Des miniatures prennent vie dans des micros espaces du site du Leclerc : une jardinière en béton, une flaque d’eau, le pied d’un grillage … Ces quelques lieux sont les indices d’un abandon rapide : c’est comme si le site avait été déserté. Par une série de tableaux photographiques, ce projet propose une fiction, où le site réel est investi par des personnages et des scènes imaginaires. Il offre de résoudre une enquête, le mystère de l’état actuel du Leclerc drive de Pineuilh.

 

STOP CONSTRUIRE POUR PAS SERVIR

Faisant le constat que le site a écrasé un paysage en s’y implantant, et qu’il est encore aujourd’hui en désaccord avec son contexte (tantôt agricole tantôt d’habitation), le projet se positionne de manière radicale contre l’urbanisme dont il est issu. Une série de photographies montre l’ampleur de l’emprise du lieu, qui in fine, ne sert pratiquement plus. Armé d’un simple panneau routier trouvé sur place, emblème du pouvoir de contrôle du lieu, il s’agit de brandir un désaccord, en plaçant le corps humain dans une posture résistante face au paysage du site.

 

RECONQUÊTE VEGETALE

S’intéressant à la population végétale immigrée dans cette friche, ce projet fait acte d’une présence à la fois minuscule, à la fois envahissante : les différentes strates inventoriées sur le lieu sont incarnées par trois couples de photographies, dévoilant les individus végétaux en contre-plongée (minuscules) et en plongée (envahissant), avec toujours la façade du Leclerc en arrière-plan. C’est peut-être un rêve, ou peut-être une prémonition …

 

DU VERT AU GRIS

Avant, c’était un lieu ouvert, qui a été habité de multiples façons (agriculture, accueil des gens du voyage…). Maintenant c’est un lieu oppressant. Le parking est un désert. Le bâtiment est une gigantesque boite. Les végétaux sont devenus rares. Les maisons à côté sont toutes petites. En construisant de manière évolutive une maquette à l’effigie de ce site, le projet transforme le lieu en dévoilant une représentation de l’espace « perçu ».

 

LA STATION SERVICE

Partant du constat que le site se situe à une entrée de ville, ce projet met en critique son caractère inutile, inhospitalier et inesthétique. Il propose de travestir l’espace de la station service (seul lieu abandonné complètement) afin de l’ouvrir à de nouvelles habilitations. Par des collages, la station devient un départ de course hippique, un péage d’autoroute ou encore un open-space de bureaux. En convoquant un imaginaire ironique, il s’agit de poser la question de l’avenir d’un tel lieu, voire de tels lieux.

 

VIDEO

Pour échapper aux diverses directives dictées par l’espace du site (aller ici, se garer là, pas là, tourner à droite, ne pas stationner etc…), il faut transgresser ses limites. Passer le grillage et grimper sur le toit, d’où l’on peut tout voir, y compris ce qui nous était interdit, et reprendre un peu de contrôle visuel. En digne Indiana Jones, il s’agit d’explorer le site en prenant des risques, pour dévoiler un paysage méconnu. Le projet raconte, par une fiction filmique, ce parcours aventureux.

(nb : ce projet a été arrêté avant finalisation pour cause d'arrêt de l'étudiant concerné.)

 

Cette expérience de 5 mois a été pour nous l’occasion de nous confronter aux discours de jeunes adultes du territoire, et donc d’apprendre d’eux, quant à leur vision du paysage et aux affects qu’ils peuvent entretenir ; elle a aussi été l’occasion de nous éprouver pédagogiquement, tant vis-à-vis d’une vingtaine d’étudiants que vis-à-vis d’Olivier Branchu, l’enseignant titulaire qui nous invitait.

                                                   

Pédagogie et aboutissants

 

Sortant toutes deux de 11 années d’études dans des milieux scolaires formatants et laborieux (arts appliqués et architecture du paysage), nous sommes arrivées dans cette classe avec certains automatismes de pensée, de langage et de pratique qu’il a fallu apprendre à déconstruire. Notre vocabulaire et nos attentes quant à l’exercice ont été très cryptiques pour les étudiants, qui effectivement n’avait pas l’habitude de penser le paysage, et encore moins avec des outils artistiques. Ce qui pour nous paraissait évident, comme par exemple de faire projet par la « représentation », ne l’était en fait pas du tout pour eux. Dans le registre des pratiques, travailler de manière autonome, en dehors des heures de cours, seul ou en groupe, ne faisait pas non plus partie de leurs méthodes de travail. Et puis injecter dans un projet une sorte de posture personnelle, un engagement, était aussi très nouveau pour eux.

Cette révélation nous a d’abord désemparées, puis nous a ensuite beaucoup stimulées, puisqu’elle permettait un rapport d’échanges constant avec les étudiants, avec Olivier aussi, et nous forçait à rationnaliser nos propres discours pour aller, avec chaque projet de groupe et chaque individu, à des questions essentielles.

Finalement l’exercice pour nous en est devenu plus excitant et plus satisfaisant, dans le sens où nous savions que ce que nous proposions était clairement compliqué, et où réussir à le rendre compréhensible et surtout plaisant nous procurait un réel enthousiasme. Face à cela, il a fallu aussi apprendre la distanciation : quand les étudiants nous renvoyaient des retours positifs, effectivement cela nous touchait beaucoup, mais quand à l’inverse nous nous retrouvions face à des blocages voire des comportements de rejet, il était difficile de le prendre avec froideur. Certaines de ces situations ont réussi à évoluer durant l’exercice, d’autres sont restées bloquées…Nous avons donc appris à appréhender des caractères provocants, qui sous-tendent souvent des aveux de faiblesse, et avec lesquels il ne s’agit pas de répondre par de la provocation, mais bien de l’attention.

Les sessions de terrains sont apparues plus fructueuses que les sessions d’atelier : une fois sur site, les étudiants étaient plus curieux, plus créatifs et n’hésitaient pas à rentrer en expérimentation. Le calendrier des ateliers serait donc à améliorer, avec moins de séances en salles, plus sur le terrain, et de manière générale moins étalées dans le temps et/ou plus régulières.

La finalisation de l’exercice n’était pas notre objectif, puisque nous nous intéressions plutôt au processus de projet. Le fait de ne pas parvenir à un aboutissement formel réellement léché (faute de moyens financiers) nous a tout de même frustrés, Olivier et nous, dans la mesure où les travaux ne pouvaient pas être exposés en l’état. Organiser une exposition, dans l’enceinte du lycée et hors ses murs aurait été une étape très intéressante pour les étudiants, dont les travaux auraient pu être valorisés, et qui auraient pu trouver un espace de discussion avec des individus extérieurs de manière à les rassurer quant à leur production (qui pour certains était difficile à assumer, car trop conceptuelle). Un tel événement aurait été de plus très logique dans le processus de l’exercice, qui visait tout de même à partager des points de vue et donc à les diffuser sur le territoire.  Nous ne perdons néanmoins pas espoir quant à une future finalisation et exposition des travaux, si les budgets prochains du lycée le permettent.

Milieu d’intervention et collaborations

 

Cette expérience nous paraît être une bonne réponse aux besoins de la formation, qui désire s’ouvrir à des approches artistiques et aux champs de la représentation. La présence de paysagistes, notamment ouverts aux questions artistiques, nous semble bienvenue dans une telle structure, afin d’élargir la question de l’aménagement paysager à celle du paysage.

Pour nous, cette collaboration, bien que bénévole, a été très riche. Non seulement pour toutes les expérimentations qu’elle nous a permises, pédagogiquement et techniquement, mais aussi pour la collaboration effectuée avec Olivier, tant sur des questions de pédagogie (compréhension des étudiants, comportements enseignants, évaluation…) que sur une forme d’interdisciplinarité (géographie/art & paysage).

Dans la tentative de définir nos aspirations professionnelles, cette expérience nous a finalement confortées dans l’envie d’ « enseigner », notamment hors les murs des écoles d’architecture et de paysage, en favorisant l’approche à d’autres disciplines que la nôtre.

Notions de paysage et d’affect

 

La rencontre avec les étudiants à débutée sur un débat : qu’est-ce qu’un paysage ordinaire. Nous étions dans une salle du lycée. Les étudiants ont tendu les bras vers la fenêtre en nous disant : « ben c’est ça là, les vignes, la campagne quoi.’ Nous étions en plein Montbazillac… Un paysage qui pour nous n’avait rien d’ordinaire : territoire d’appellation noble, vignoble de prestige, gros châteaux, belles cartes postales. Plutôt un haut lieu attirant les visiteurs qu’un lieu ordinaire. Lors de nos premières recherches et analyses sur le territoire (en 2013), nous l’avions d’ailleurs classé dans les paysages d’exception et non banals. Ironie faisant,  nous avons donc relativisé le mot (« ordinaire ») et nos lieux d’étude.

Secondo, l’exercice nous a ouvert les yeux sur la question évidente du pouvoir de la représentation sur les affects. En effet, lors de notre première session de terrain, les étudiants ont été unanimes pour décrire le lieu comme « moche », « inintéressant » etc. Puis ils s’y sont amusés, l’ont pratiqué, l’ont considéré (même si négativement), y ont engagé des postures et l’ont finalement représenté de multiples manières. Après quoi, leur rapport au lieu avait clairement changé ; ils ont forcément construit un intérêt pour le lieu, allant de la célébration à la critique. Ils ont donc développé une certaine connivence, ou parfois une relation parasitaire, etc (voir tableau des affects BTS), relations qui ont permis de faire bouger le curseur de l’affect qui réside entre chacun d’eux et le lieu, et qui avant cela était au point 0.

Intervention en milieu scolaire

autour du Leclerc Drive en semi-désaffection de Pineuilh,

avec la classe BTS1am 2014-2015 du Lycée agricole de La Brie

^ Sujet

CREATION D'UN COURT-METRAGE

RETOUR

Cliquez sur les images pour accéder aux travaux des étudiants:

bottom of page