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Diplôme de paysage . ensapBx . Marie Bretaud & Helena Le Gal

Cette partie du projet incarne le souhait de développer une approche fictionnelle (et non documentaire) des paysages bergeracois, à travers l’outil filmique (et non photographique). Nous avons donc cherché à créer un court-métrage dont l’objectif serait de faire le récit de certains paysages locaux, notamment dans les représentations imaginaires qu’ils peuvent supporter.

Le BIJ Espace Jeunes de Bergerac lançant un concours de scenario dont le vainqueur serait soutenu dans la réalisation de son court-métrage (tournage-montage-diffusion), nous avons candidaté en écrivant le scenario de « Paysages Ordinaires ». N’étant pas habitantes du territoire, notre candidature n’a pas été acceptée, mais elle a intéressé le responsable audio-visuel du BIJ Espace Jeunes, Jean-Louis Boutonnet, qui s’est proposé de nous soutenir dans notre projet, en nous offrant ses services pour tourner et monter le film. Nous collaborons ensemble depuis le mois de mars, et sommes actuellement en phase de tournage du film.

Création d'un court-métrage "Paysages ordinaires"

Autour de Bergerac: au château le Tuquet, au lieu dit Petit Chai et à Mouleydier

avec Jean-Louis Boutonnet, réalisateur.

" Lors de son retour au domicile familial, MOI se souvient: les courses dans les vignes, la guerre dans le fossé, les clopes sous l'abribus, les névroses d'Edouard et les conflits de voisinage.

Des univers, des imaginaires se confrontent et se superposent au sein d'un même paysage, faisant émerger les mythes d'un certain ordinaire. "

 

 

 

 

 

 

^ Découpage du scenario

^ Repérage des lieux

^ Planning de tournage

^ Autorisations

Scénario

 

La première étape de ce travail a été l’écriture du scénario. Notre souhait étant de débanaliser certains paysages en racontant en quoi ils sont le support de mythes individuels, nous avons commencé par statuer sur le casting des lieux. Nous avons choisi d’invoquer ceux qui nous avaient nous-mêmes stimulées, à savoir des espaces du lieu-dit Le Tuquet : les vignes, le fossé, le pavillon des voisins, le sous-bois … que nous avons fréquenté régulièrement dans le cadre des entretiens privés que nous menions en parallèle avec Agnès et Michel, les propriétaires du domaine viticole.

Tournage

 

Afin de pouvoir réaliser le tournage du film, il a fallu transcrire le scénario en langage cinématographique. C’est ce que l’on appelle le « découpage ». Il s’agit de partitionner la narration en différents « plans » (ici en l’occurrence 74) qui correspondent à une prise de vue caméra. C’est dans cette phase du projet que l’on décide s’il convient à tel élément du scenario de le filmer en travelling, en plan fixe, en panoramique etc, avec une caméra sur pied en plongée, en contre-plongée, ou bien une caméra portative, à l’épaule ou accrochée en frontale sur la tête des acteurs.

C’est donc en discutant des statuts que nous voulions allouer à chaque lieu que Jean Louis a élaboré le découpage. Par exemple nous voulions que le fossé paraisse immense ; Jean Louis a donc proposé un travelling fait avec une grue pour que la caméra puisse passer en un seul plan d’une vision à hauteur d’homme à une vision à hauteur de fourmis.

Les lieux du récit une fois choisis, nous avons développé pour chacun d’eux une fiction où ils apparaissent finalement non seulement dans une vision « réelle », mais aussi dans une vision « irréelle » car perçus par un personnage. Ainsi, le fossé qui sépare les vignes du petit chemin se transforme tantôt en tranchée de guerre, dans laquelle les enfants des voisins sont des soldats invétérés, scrutent l’ennemi, et le bombardent, tantôt en canyon dans lequel la voisine a peur de tomber quand elle veut garer sa voiture; le pavillon d’en face à la haie de thuya si bien taillée devient un jardin grandiose à la française, duquel on se demande si le jardinier est un artiste ou un névrosé ; l’autre pavillon est un nid douillet et protecteur, ou alors se change en véritable prison ; les rangs de vigne de la parcelle du haut se travestissent en couloir de course pour les jeux olympiques junior ; l’exploitation en boulier chinois pour le viticulteur qui compte ses jours de travail ou ses quantités vinicoles produites ; l’abribus plus loin sur la route en fumoir ; et la clairière dans le bois en nid d’amour version Moulin Rouge.

Les transformations des lieux sont effectuées par la superposition de calques photomontés via infographie sur les vidéos tournées in situ.

A chacun de ses lieux s’accroche une scénette, scénarisant le lien qui existe entre l’espace et les individus qui y évoluent/qui y ont évolué. Le récit transversal est narré par une voix off, celle d’un adulte qui se souvient de là où il a grandi en se demandant si l’on peut vraiment qualifier ces paysages d’ordinaires.

Après le découpage, il s’agit de composer le « plan de tournage », document permettant de rendre compte de l’ordre dans lequel les plans vont être tournés. Cela permet d’organiser et d’optimiser la venue des acteurs, ainsi que l’emploi de matériel spécifique, et de rassembler les scènes nécessitant la même météo/la même lumière etc.

 

Une fois les acteurs fédérés, les accessoires et le matériel récoltés, nous nous sommes lancés dans le tournage. Entre les aléas spatiaux (l’herbe qui a poussé en une semaine et qu’il faut tondre), les aléas météorologiques (la tempête imprévue), les aléas humains (un acteur qui ne pourra finalement pas venir, quelqu’un qui vient simplement voir le tournage et qu’on embarque finalement comme acteur), et les changements de scénario de dernière minute, la phase de tournage s’avère réclamer une grande capacité d’adaptation. Sur les lieux, avec les acteurs, il faut rester attentif au cadrage, à la lumière, aux couleurs, pour que chaque élément de l’image finale ait le sens que l’on souhaite lui allouer. Le grillage du premier plan est-il bien proportionné par rapport à l’horizon pour paraître carcéral ? La branche pleureuse de l’arbre tombe-t-elle aux bons côtés de l’image pour cercler la scène et la rendre romantique ? Le ciel, ce matin, est-il assez brumeux pour ne dévoiler que les vignes mais pas les arbres ni le bleu du ciel ? L’angle est-il assez large pour englober le pavillon entier derrière la clôture du premier plan ? Des questions quotidiennes auxquelles il a fallu trouver des réponses et des solutions spontanément.

Montage

 

Jean-Louis dit toujours « un film nait 3 fois : une fois au scénario, une fois au tournage et une fois au montage ».

Il est clair que le tournage a marqué un changement dans notre vision du film. Sur le terrain, certaines choses du scénario initial évoluent, certaines scènes nous rassurent, d’autres nous font douter ; et au visionnage des « rech », quand nous sommes totalement dans l’image, la fiction, et plus dans l’espace réel, le film commence à exister vraiment : le rythme, les lumières et les couleurs sont là.

N’ayant pas totalement fini de tourner, la 3ème naissance, celle du montage, nous est encore inconnue. A suivre…

Objectifs

 

Raconter les paysages revient ici à tisser une mythologie autour d’eux ; en invoquant dans les lieux de « l’extra-ordinaire » via l’incrustation de représentations imaginaires, nous cherchons à les faire sortir de leur statut « banal », et à démontrer que bien que vécus quotidiennement, ils ne sont pas si anodins ; à contrario, ces paysages recèlent des formes singulières, perçues de l’extérieur ou vécues de l’intérieur ; ils catalysent d’une part des questions collectives cruciales potentiellement polémiques (le pavillonnaire par exemple) et d’autre part des affects particuliers en lien avec des individus réels. In fine, faire le récit de ces réalités par une fiction permet de montrer des lieux peu représentés, de questionner un public sur des formes d’habiter sans tomber dans le réquisitoire ni le plaidoyer, et enfin d’inclure dans les réflexions territoriales la question des affects individuels qui impactent dans les paysages, par les représentations que chaque individu s’en fait ou par les actions qu’il porte dessus.

Rétrospective

 

Cette expérience nous a permis d’approcher des habitants du territoire, en l’occurrence les participants du film (acteurs, professionnels de l’audio-visuels, propriétaires des lieux de tournage…) par un média ludique. Finalement cette méthode de rencontre, bien que très restreinte quantitativement (une vingtaine de personnes concernées par ce court-métrage) est très propice au débat et à la réflexion sur les modes d’habiter. Habitants de pavillonnaires à la haie de thuya bien taillée ou au grillage de croisillons verts, viticulteurs bio avec drapeaux au vent dans les parcelles, locataires de centre-ville, étudiantes bordelaises, enfants, adolescents, jeunes adultes, vieux de la vieille, nous sommes accordés pour parler de ce qui nous séparaient. Le projet, bien que mettant en évidence des divergences habitantes, a bien fédéré les gens, plus que ne les a ségrégué ou divisé. Voir tout cela se construire au fil de l’avancée du film a été une surprise et une grande satisfaction. Nous attendons avec impatience la phase de diffusion du film pour voir comment cette émulation in situ du groupe trouvera écho chez des spectateurs extérieurs.

Aussi ce court-métrage représente pour nous la concrétisation d’une nouvelle forme de pratique paysagiste. Au delà de mettre en œuvre un support de dialogue et de création collective, comme expliqué précédemment, de fédérer des individus sur des lieux, nous avons retrouvé certaines méthodes « traditionnelles » paysagistes, mais employées dans de nouvelles perspectives. Analyser des paysages, en faire un récit, notamment le récit anthropique, scénographier un site, le scénariser avec des personnes/personnages, composer des images en fonction du cadrage, de la profondeur de champ, de la lumière, des couleurs, des mouvements et de leurs temporalités, créer des « scènes »… autant de pratiques paysagistes que de pratiques cinématographiques. Nous n’étions donc pas perdues dans une discipline trop lointaine.

De plus, finalement, nous avions ici le rôle primeur non pas de simplement créer un décor de film, mais bien de réaliser un film : la question du paysage s’est donc retrouvée au premier plan, et a impacté tous les autres (le scénario, les décors, la façon de tourner, de jouer etc), chose rare dans les projets interdisciplinaires habituels où le paysage se retrouve souvent à la dernière phase.

Enfin, la collaboration avec Jean-Louis et ses petites mains de l’audio-visuel a été pour nous d’une exemplarité certaine, dans la mesure où chacun a pu trouver sa place dans l’équipe naturellement et sans conflit. Nos regards et nos univers étant aiguisés de manière assez spécifique selon nos compétences, mais de manière ouverte à ceux de l’autre, notre collaboration s’est avérée plus que constructive : heureuse. 

^ Making off

ELABORATION D'ATELIERS EDUCATIFS

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