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Diplôme de paysage . ensapBx . Marie Bretaud & Helena Le Gal

Après trois démarches empiriques de récolte et d’expression de ces nouvelles informations (l’entretien privé, l’intervention en milieu scolaire et la création de court-métrage), nos expériences et constatations quant aux outils sont les suivantes :

- La vidéo (voir portraits des individus interviewés) permet lors de la récolte des informations, d’enregistrer en continu et de manière autonome (caméra sur pied) une situation ; une fois mise en forme, elle figure des situations ponctuelles, visuelles et sonores en mouvement et en simultané.

- La piste sonore (voir pistes issues des interviews) permet d’enregistrer une information verbale sans pour autant être sur le lieu qu’elle concerne ; une fois diffusée elle offre, à la différence de la vidéo, une liberté de représentation visuelle à l’écouteur, qui peut imaginer ce qu’il veut simplement inspiré par le son.

- Le film ou la fiction (voir courts-métrages), permet une réelle scénarisation des informations ; en cours de construction, il force l’écriture d’un récit et de sa traduction en langage cinématographique (prises de vue), et l’adaptation des individus lors du tournage à la réalité du terrain ; une fois monté, il propose la narration audio-visuelle d’un récit s’échappant des contraintes réelles en recoupant plusieurs situations, plusieurs temporalités etc.

- La photographie (voir travaux des BTS de la Brie), hors du style documentaire employé antérieurement dans les premières collections d’objets, expose par tableau(x) une réalité plus ou moins authentique ; elle livre à l’observateur une image ou une série d’images, contenant les indices du récit qu’elle suggère.

- La maquette (voir travaux des BTS de la Brie) encore une fois hors du champ documentaire, intime une mise en 3 dimensions voire 4 si elle est évolutive, d’une représentation ; elle autorise la transformation d’une situation par la déformation des dimensions, des rapports d’échelles, des matières, et par l’abstraction/l’ajout de certains éléments ; elle produit elle-même un espace fictionnel, mais de manière construite.

- La manipulation plastique, type collage (voir travaux des BTS de la Brie), insuffle non seulement un caractère d’emblée fictionnel à la représentation, mais potentiellement aussi un surréalisme assumé ; elle réclame la libération de l’imaginaire de son auteur au moment de sa conception, et livre un univers narratif contenant plusieurs niveaux de lecture.

 

Les paysages supportant des divergences de représentations en fonction de ceux qui les vivent, il apparaît évident de développer un éventail d’outils pouvant s’adapter au mieux à chaque couple individu/lieu. Par exemple dans l’intervention en milieu scolaire avec les BTS de la Brie, un seul lieu d’étude + 23 individus ont fait émerger 7 postures, donc 7 processus de représentations et in fine 7 récits différents. Rassemblées autour du fameux Leclerc Drive de Pineuilh, ces 7 productions entrent en connivence et leur caractère multimédia offre une grande plus-value au travail global : les différents médias convoqués deviennent interactifs, au sens où ils se valorisent mutuellement et se complètent par la coopétition.

La lecture simultanée et interactive de plusieurs modes de représentation d’une information est donc au cœur du projet, et demande l’ouverture à des techniques et disciplines qui s’y adonnent. De tous ces outils ainsi que de leur interaction souhaitée, découle la nécessité d’accéder à des médias numériques, non seulement pour capturer l’information, mais aussi pour la diffuser et en rendre compte. Après la réflexion sur la base de données esquissée antérieurement, nous revenons brièvement sur la nature des technologies inhérentes à un tel projet, et sur l’impact factuel des e-paysages sur les individus.

Ouvrir les données

 

Les médias numériques s’étant largement répandus dans notre société ces 20 dernières années, tous les domaines, y compris celui des territoires et des paysages se sont vus dotés de nouveaux moyens de recherche, de création et de représentation.

Après le temps des e-médias (reposant sur l’ordinateur, l’informatique et les nouvelles technologies de l’information et de la communication -NTIC), nous entrons dans celui des t-médias (reposant sur l’interconnexion à base de technologies de tracking). C’est à ces derniers que nous devons les innovations de réalités augmentées notamment, qui sont donc basées sur l’information géolocalisée instantanée.

Les territoires sont désormais majoritairement pourvus d’e-administrations, qui capitalisent numériquement des créations de données publiques, leur gestion, leur transmission et leur archivage via les TIC. Afin de favoriser la mise à disposition et la réutilisation par des tiers des données détenues par les acteurs publics locaux, ils lancent des Open Data (selon le terme anglo-saxon signifiant « données ouvertes »). L’idée est que la quantité d’informations produites par les organismes publics, potentiellement réutilisables par les habitants-citoyens et les entreprises, constitue une source majeure de nouveaux services, de création de valeur, de production de connaissance et de participation citoyenne, en bref d’officialiser une nouvelle ressource pour l’innovation et l’activité économique des territoires. Il peut s’agir d’informations à caractère social, économique, politique, touristique ou de mobilité, etc. Le partage de ces informations, considérées comme fiables et précises, est censé fonder un nouveau modèle d’échange entre politiques, administrations, citoyens et entreprises.

De nombreuses applications liées de près ou de loin au paysage ont ainsi vu le jour, comme "Paysages de Mégalithes" (information historique en Morbihan), « Central Park Conservancy » (information environnementale à New York), “Theodolithe” (données par reconnaissance de terrain : altitude, gps, horizon, angles proches …), “Pl@ntnet” (reconnaissance botanique) …

Dans le cas de la Région Aquitaine, le phénomène de modernisation des données territoriales est particulièrement remarquable, car elle s’est dotée d’un service entier dédié au numérique (http://numerique.aquitaine.fr), lui-même s’employant à soutenir les programmes de développement digital (dans la santé, le tourisme, le patrimoine, l’enseignement, les logiciels et l’innovation scientifique). Grâce à l’accès aux données SIG notamment, les paysages se sont retrouvés amplement inscrits dans cette communication de masse, et l’on peut par exemple trouver de nombreuses cartographies interactives sur le net. En Aquitaine il existe entre autres la plateforme PIGMA (Plateforme d’Information Géographique Mutualisée en Aquitaine). De plus, dans le cadre des lois de décentralisation de 2007, la Région s’est vue confier la propriété et la gestion du fonds de l’Inventaire Général la concernant, et met donc en accès public les collections patrimoniales de l’inventaire ; le recensement des protections du patrimoine naturel et du paysage est disponible sur la carte interactive ‘Paysage, Biodiversité et Milieux’, extraite de la base CARMEN). L’Atlas des Paysages de la Gironde est lui aussi mis en ligne, et propose notamment une carte interactive des unités de paysage . Pour dernier exemple, on peut citer l’expérience de Bordeaux+ : la ville s’est dotée de multiples dispositifs de services et d’informations interactives où chacun peut se renseigner et renseigner sur des questions touristiques, des questions pratiques de transport, de trafic, d’aménagement (avec simulations de projets urbains), d’activités associatives locales, d’évènements, etc.) tout cela en temps et espace réels via un Smartphone.

 

Les représentations territoriales sont donc maintenant virtuelles, interactives et géolocalisantes.

Si ces avancées convoquant la réalité augmentée sont intéressantes dans leur approche aux données et à l’amplification d’une situation réelle (quelles données collecter, quelles représentations faire émerger, quels services rendre ?) elles restent néanmoins dangereuses car forcent l’interface avec l’écran plus qu’avec la réalité.

Créer une application ?

 

Nous pourrions concevoir une application par flashcode comme imaginé précédemment, qui permette, en flashant un élément balisé sur le site concret, d’accéder à son emplacement dans le site virtuel et à la base de données. Nous pourrions aussi concevoir une application, qui une fois téléchargée sur un smartphone, se charge de manière autonome de prévenir son possesseur par un petit bip qu’il se situe près d’un élément géolocalisé dans le site virtuel, et de lui proposer l’accès aux informations de la base de données. Nous pourrions aussi concevoir une application qui permette de visualiser en réalité augmentée les informations du site virtuel sur l’image du site concret (en filmant un séchoir par exemple via son téléphone on pourrait voir apparaître en filigrane ses caractéristiques ou les imaginaires qu’il suscite pour tel ou tel individu).

Mais finalement le rapport de l’Homme à la chose que nous cherchons à atteindre dans le contenu du projet est pour l’instant ailleurs que dans la question de la réalité augmentée via smartphone. Il ne s’agit pas de pouvoir "tracker" ou ficher des individus ni des objets dans le paysage, mais bien de permettre l’expression d’une géographie fédérant leurs affects.

L’objectif reste de compiler des représentations multimédias en un seul outil très accessible, de permettre une interactivité entre les individus et les représentations, et de construire un récit. Dans l’idéal, il s’agit de rendre un service : informer les décideurs, aménageurs, services culturels et citoyens, de mettre en réseau les individus par le prisme des représentations, et de mesurer et faire évoluer les affects.

Une base de données interactive hébergée sur Internet, accessible depuis tout appareil électronique connecté à un réseau, paraît l’outil le plus juste pour rendre compte des données collectées (notamment au nom de la propriété privée).

Expérimenter de nouveaux champs de création

 

Tous ces outils font déjà partie de l’apanage du paysagiste, ou commencent juste. Pour nous, il s’agit ici de les expérimenter ou d’approfondir leurs potentiels, en les mettant au service d’un travail volontaire et non contraint par une commande. Il en va de même pour les démarches (enquête, enseignement, création audiovisuelle), qui nous attiraient jusqu’ici et que nous avons pu éprouver dans la visée de définir nos futures orientations professionnelles.

Ce site internet livre donc de manière numérique et interactive notre processus de travail ainsi qu’une ébauche de la base de données.

RETOUR

De l'œuvre à la donnée

Digression sur les outils de représentations

CHAPITRE SUIVANT

Représenter des données

 

Après le premier travail de collection d’objets, nous collectionnons donc des affects, pour parler non plus seulement de paysage ordinaire et banalisé visuellement, mais aussi de paysage vécu. Les données ainsi récoltées et analysées n’étant pas forcément des données concrètes, mais des données mentales, fictionnelles ou changeantes, les outils employés jusqu’ici ne suffisent plus à les représenter. Autrement que par le dessin, l’écriture et la photographie documentaires, il faut donc transmettre de nouvelles données, telles que des paroles, des silences, des gestes, des imaginaires et des projets.

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